Portrait
Passé par l’épreuve du cancer, l’ancien militaire Henry Bizot ouvre des sommets parmi les plus inexplorés du monde, et consacre ses exploits au financement d’actions humanitaires.
- Antoine Peillon
- Le 31 janvier 2017

Radio du thorax, scanner, tomographie par émission de positons, dite « PET scan » : le diagnostic, en juin 2012, fut un choc. Cancer du poumon ! Certes, cela faisait près de huit ans que l’ancien officier, pourtant ultra-sportif, souffrait de bronchites à répétition, mais il ne s’attendait pas à une si mauvaise nouvelle. La tumeur est extraite aussitôt par une lourde opération chirurgicale, suivie de trois mois de traitements chimio-thérapeutiques épuisants…
Aujourd’hui, à l’âge de 57 ans, Henry Bizot se considère comme un « rescapé ». Il raconte comment, à peine sorti de la période des soins, il s’est remis à l’entraînement, alors qu’il se sentait sans force et sans souffle. « J’en ai bavé », raconte-t-il, mais l’autodiscipline a fait son œuvre. « Entraînement cardio et musculaire quasi-quotidien, le matin tôt, pendant une heure et demie ; beaucoup de dénivelés en montagne, marche et ski de randonnée, courses glaciaires, à Chamonix et La Grave, dès que possible… » ont, comme encore aujourd’hui, retrempé l’explorateur dans son acier d’origine.
Aussi, dès le mois de juin 2013, l’ex-ingénieur en « armements du futur » et colonel de l’armée de terre ayant « servi son pays dans l’artillerie alpine et au Kosovo » (en 2000), l’ancien élève officier de Saint-Cyr, de l’École de guerre et de l’École supérieure d’électricité (Supélec), passé à la vie civile en 2005, reprend le chemin de l’exploration en haute montagne, là « où l’oxygène est rare ». « J’en ai bavé », répète-t-il. Mais les premières ascensions du convalescent se transforment en succès inespérés. En Bolivie, deux nouvelles voies (pas d’ascension préalable connue) sont ouvertes, jusqu’aux sommets du pic San Luis (5 600 m d’altitude) et du pic Huayna Cuno Collo (5 600 m). Henry Bizot baptise la première voie du nom de René Flament et la seconde du nom de Charles de Seze, en hommage à ces pères jésuites qui ont été ses professeurs.
Tout a commencé il y a quelque trente-cinq ans, par de belles « courses » dans les Alpes : ascensions « de couloirs et de faces en neige et glace », dans le massif du Mont-Blanc, les Écrins, le Valais suisse. À partir de 1984, Henry Bizot commence à élargir son horizon jusqu’aux confins de la planète : Inde (Himalaya), Kirghizstan, Chine, Pérou (cordillère des Andes), Bolivie, Argentine, Népal et Tibet, Chili (Patagonie)… Mais 2005, et la maladie, marque aussi une étape essentielle dans la vie de l’explorateur. Celle « dans l’oxygène rare », peut-être la plus importante, à ses yeux.
Au retour de la tentative d’ouverture d’une nouvelle voie jusqu’au sommet himalayen du Palung Ri (7 012 m), à la frontière du Népal et du Tibet, tentative infructueuse du fait des forts risques d’avalanches, Henry Bizot se pose la question de l’utilité, « au sens d’un engagement au service d’autrui », de ses explorations spectaculaires. « Encouragé par ma femme, Véronique, et mes six garçons, j’ai décidé de les poursuivre, mais en leur conférant une dimension utile. À chaque expédition, une action d’entraide fut désormais associée, la totalité des dons étant destinée à chacune de ces actions », raconte-t-il.
En 2006, le suivi de l’expédition au Palung Ri permet de récolter quelques milliers d’euros en faveur de l’association À bras ouverts qui s’est acheté un nouveau minibus. En 2008, l’ascension du sommet andin Tocllaraju (6 030 m), au Pérou, est menée au profit de l’association Pour un sourire d’enfant, afin de participer à la construction d’un nouveau bâtiment scolaire. En 2013 et 2014, deux expéditions en Bolivie (cordillère Quimsa Cruz) et au Kirghizstan sont destinées à recueillir des dons en faveur d’un projet de recherche « Amiante, silice et cancer » du laboratoire de minéralo-pathologie.
Tout dernièrement, le samedi 21 janvier, l’alpiniste a présenté, à ses frais, trois documentaires sur les Andes de Patagonie, la chaîne Trans-Alaï, au Kirghizstan, et la Cordillère Quimsa Cruz, dans les Andes boliviennes. Des bénévoles de la Ligue contre le cancer ont sollicité, à cette occasion, la générosité du public, au profit intégral de l’association. Chaque euro collecté était destiné à un séjour de vacances pour des enfants atteints du cancer, que le comité de Paris de la Ligue organisera fin 2017. La séance de projection fut un « magnifique moment », confie Henry Bizot, encore très ému.
Site : https://www.dshb.fr/v1/index.php
Henry Bizot (suite) : salle comble pour l’association « Rêves »
Dons. L’alpiniste Henry Bizot a récolté de quoi offrir à Enora, une enfant de 6 ans très malade, le voyage de ses rêves.
- Antoine Peillon
- Le 8 février 2019
La Croix avait annoncé, le 28 décembre dernier, la ciné-conférence d’Henry Bizot, au cours de laquelle l’alpiniste et aventurier lyonnais devait présenter les films de ses deux dernières expéditions en Patagonie, au profit intégral de l’association Rêves (1). L’événement s’est déroulé le samedi 26 janvier, dans la salle Victor-Hugo de la Ville de Lyon. « Ce fut un très beau succès, avec une belle ambiance et beaucoup d’émotion, qui a eu lieu dans une salle comble, malgré ses 500 places », raconte aujourd’hui Henry Bizot. Avant d’exprimer un regret : « Lorsque tous les sièges ont été occupés, nous avons été contraints d’afficher complet et de refuser du monde, ce dont je suis vraiment désolé pour chaque personne qui n’a pas pu rentrer. »
Ce fut un mal pour un bien, selon le dicton. Car cette affluence inattendue est certainement un des nombreux signes actuels du puissant regain des engagements solidaires, partout en France. Si l’entrée était libre à la salle Victor-Hugo, celles et ceux qui le souhaitaient ont pu faire un don à la fin de la séance, dans le hall de sortie. Le cinéaste explique : « Ce sont des bénévoles de Rêves qui ont recueilli les dons, puis qui les ont comptabilisés. Les fonds collectés s’élèvent, jeudi 31 janvier, à 4 345 €. Cette somme comprend : 3 975 € de dons reçus le 26 janvier, après la séance, et 370 € qui ont été envoyés ultérieurement à Rêves. Ce montant pourrait être donc provisoire… »
Enora va pouvoir rencontrer le Père Noël
La totalité des dons va donc permettre à Enora, 6 ans, atteinte d’une très grave maladie, de réaliser son souhait le plus cher : rencontrer le Père Noël en Laponie, du 7 au 10 mars 2019. « Grâce à tous les donateurs, avec cette somme, Rêves va pouvoir organiser le voyage », se félicite Henry Bizot qui raconte ce grand moment de rêve partagé et de solidarité : « J’ai d’abord présenté une courte projection qui explique le déroulement général d’une expédition en haute montagne et que j’ai réalisée avec des images issues de mes 35 années d’expédition dans divers massifs montagneux du monde, des Andes, du Pamir, de l’Himalaya. Puis les films La Voie André et Sophie et La Pointe Anne ont été projetés. Ils racontent mes deux dernières expéditions dans des coins peu explorés des Andes de Patagonie. »
À la fin du film La Voie André et Sophie, l’alpiniste a prononcé quelques mots « à l’intention d’André et Sophie, André ayant quitté ce monde le 4 juillet 2016, des suites de la maladie de Charcot ». À cette occasion, Josiane Gonnot, présidente de Rêves, « l’association qui réalise les rêves des enfants très gravement malades », a aussi présenté son organisation et éclairé le public sur la destination des dons. Providentiellement, « une surprise totalement inattendue » fut alors réservée aux 500 spectateurs. Henry Bizot en témoigne, avec émotion : « Alors que je disais les mots de conclusion, Anne, 7 ans, à qui est dédié le film La Pointe Anne, a traversé spontanément toute la salle, depuis le fond, est montée sur l’estrade et, très à l’aise, est venue s’incliner devant le public pour lui manifester sa joie. »