“On est là !”, la signature

Signature du livre de Serge D’Ignazio, On est là ! (éditions Adespote), le vendredi 25 septembre 2020, à la librairie Le Monte-en-l’air (2, rue de la Mare, 75020 Paris).

Photos : © Ishta

Légendes des photos sur la galerie On est là !

Serge D’Ignazio a photographié tous les cortèges parisiens des Gilets jaunes depuis le premier rassemblement du 17 novembre 2018. Son travail, par sa qualité photographique et son humanisme, est un document sans équivalent. Son livre (édition Adespote) rassemble cent cinquante de ses photos en noir et blanc. Elles sont accompagnées d’une dizaine de textes – récits ou commentaires – d’acteurs et d’actrices du mouvement des Gilets jaunes.

Ludivine Bantigny : “Prises au plus près des femmes et des hommes mobilisé·es, ces photos disent l’expérience sensible du politique : la joie de prendre part à l’événement et toutes les émotions qui s’y mêlent, indignation, colère et rage, bonheur, enthousiasme et espoir. Les photos de Serge D’Ignazio sont un témoignage rare sur cette prise de parole immense.”

Un sacré coup d’œil (préface de On est là !)

L’un de ses deux Fuji X-Pro2 en main, avec une focale fixe (16 mm ou 90 mm) montée solidement sur le boîtier tout-terrain, un appareil qu’il pose volontiers sur la table, comme un outil qu’il ne peut laisser au vestiaire, lorsqu’il est invité sur un plateau de télévision[1], Serge D’Ignazio colle son œil de lynx au viseur, déclenche l’obturateur… Et une nouvelle image, aux noirs et gris profonds – “riches” comme disent les initiés – est récoltée. Une image parmi des milliers, documentant, détaillant, donnant à vivre ou à revivre au plus près tous les “Actes” des Gilets jaunes, depuis le premier d’entre eux, un évènement qui l’a sidéré, un certain samedi 17 novembre 2018. Une image qui est, souvent, une icône.

Car Serge D’Ignazio a un sacré coup d’œil. Il a le réflexe (son appareil n’en est pas un, s’inscrivant plutôt dans la vénérable tradition des Leica M) d’un documentariste chevronné, systématique, social (les Américains disent joliment “concerned”) et humaniste. A la façon des “grands” du reportage français, inventé et exporté dans le monde entier par les célèbres agences Magnum, Rapho, Viva, Gamma, Sygma, Vu et Sipa. Ô Capa, Riboud, Koudelka, Depardon, Vink, Morvan, Zachmann… Oui, ce soi-disant “amateur” a le courage (il en faut beaucoup !), l’intuition et le sens artistique (cadrage, jeu des profondeurs de champ, densité des ombres et des lumières…) de tous ces photojournalistes dont Henri Cartier-Bresson a sublimé la démarche ainsi : “Pour ’’signifier’’ le monde, il faut se sentir impliqué dans ce que l’on découpe à travers le viseur. Photographier : c’est dans un même instant et en une fraction de seconde reconnaître un fait et l’organisation rigoureuse de formes perçues visuellement qui expriment et signifient ce fait. C’est mettre sur la même ligne de mire la tête, l’œil et le cœur.”

En ces temps où l’État, pour défendre un capitalisme sans-pitié, a laissé sa milice éborgner, en quelques mois, des dizaines de manifestants inoffensifs, profanant sciemment leur humanité, Serge D’Ignazio n’a cessé d’aligner sa conscience, son œil et son cœur, photographiant à ses risques et périls tous les acteurs, toutes les joies et tous les drames des Actes des Gilets jaunes. Son coup d’œil nous donne à voir, chaque semaine, ce qui nous fait battre le cœur et nourrit nos pensées. Il y a du chamanisme dans son courage de la vérité et, regardant ses images, j’entends le chant d’Héhaka Sapa Black Elk (Elan noir), homme sacré de la tribu des indiens Lakota (Sioux) : “L’Œil de mon cœur (’’Ishta’’) voit toute chose. Le cœur est le sanctuaire au centre duquel se trouve un petit espace où habite le Grand-Esprit et ceci est l’Œil (’’Ishta’’). Ceci est l’Œil du Grand-Esprit par lequel Il voit toute chose et par lequel nous le voyons…”

Antoine Peillon

[1] “Les Gilets jaunes comme vous ne les avez jamais vus”, entretien de Denis Robert avec Brice Le Gall et Serge d’Ignazio, Le Média, 25 septembre 2019.

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