- Antoine Peillon
- Le 17 mai 2012
Il y a un avant et un après 1962, date d’un bras de fer historique entre l’Assemblée nationale et le général de Gaulle, lequel en sortit largement vainqueur. Dès lors, la Ve République, qui voulait être, à son origine, un « parlementarisme rationalisé », a montré une irrésistible tendance à concentrer les pouvoirs entre les mains du président de la République, désormais élu au suffrage universel. Certes, si la Constitution de 1958 stipule toujours que « le gouvernement est responsable devant le Parlement », de nombreux politologues et juristes parlent, à la suite de Maurice Duverger, de « régime semi-présidentiel ». Aujourd’hui, à la sortie de cinq ans d’« hyperprésidence », que reste-t-il des pouvoirs et surtout du rôle des députés et des sénateurs dans la conduite démocratique de la République ?
UN POUVOIR LÉGISLATIF PARTAGÉ
Le Parlement est constitué du Sénat (348 sénateurs) et de l’Assemblée nationale (577 députés).
Les députés sont élus au scrutin majoritaire uninominal à deux tours dans le cadre de circonscriptions d’environ 100 000 habitants, pour cinq ans.
Les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect par les « grands électeurs » : élus nationaux, régionaux, départementaux et délégués des conseils municipaux, soit environ 100 000 électeurs.
La Constitution de la Ve République (4 octobre 1958) a réduit les pouvoirs du Parlement. Certes, selon son article 34, « la loi est votée par le Parlement », mais ce vote se limite aux règles concernant, entre autres, les droits civiques et les libertés publiques, le droit des personnes, le droit pénal, les impôts, la monnaie, le statut des fonctionnaires et les nationalisations. Toutes les autres matières sont du ressort du pouvoir exécutif qui légifère par décrets ou ordonnances.
Le 20 septembre 1962, le général de Gaulle propose l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Le 5 octobre, l’Assemblée nationale vote une motion de censure contre le gouvernement. Le Général dissout l’Assemblée. Le 28 octobre, la réforme constitutionnelle est adoptée par référendum (62 % de oui) et accroît considérablement la force politique du président de la République. Elle est le point de départ de la présidentialisation de la vie politique française.
« Pour une Assemblée vivante et ouverte »
« Dans un mois, nous connaîtrons les résultats des élections législatives. Deux options se présentent : soit les Français confirment leur choix présidentiel, soit, pour la première fois sous la Ve République, ils envoient à l’Assemblée nationale une majorité hostile au président élu six semaines plus tôt. De cette cohabitation immédiate résulterait l’impossibilité de mettre en œuvre le programme présidentiel. (…) »
- Recueilli par Antoine Peillon
- Le 17 mai 2012
MAGALI ALEXANDRE
Conseillère parlementaire à l’Assemblée nationale (1)
« Dans un mois, nous connaîtrons les résultats des élections législatives. Deux options se présentent : soit les Français confirment leur choix présidentiel, soit, pour la première fois sous la Ve République, ils envoient à l’Assemblée nationale une majorité hostile au président élu six semaines plus tôt. De cette cohabitation immédiate résulterait l’impossibilité de mettre en œuvre le programme présidentiel.
Car élire son député revient à choisir son gouvernement. De 577 choix locaux dépend donc la cohérence de la politique nationale. Un pari risqué, d’autant plus que nombre d’électeurs recherchent dans leur député non pas un représentant de la nation mais un défenseur de leurs intérêts locaux.
Derrière la triple mission qui leur est confiée (“voter la loi, contrôler l’action du gouvernement, évaluer les politiques publiques”), des rôles différents attendent les futurs députés. Ceux appartenant à la majorité constitueront les troupes de soutien à l’exécutif, tâche parfois ingrate mais inhérente au “fait majoritaire”. La responsabilité est alors de chaque instant. Une faille et le gouvernement déraille. Tous se rappellent le rejet du texte Hadopi faute d’un nombre suffisant de députés de la majorité dans l’hémicycle, en avril 2009.
Pour les perdants, bien que vainqueurs dans leur circonscription, cinq ans d’opposition se profilent. Ce travail peut sembler vain, pourtant il est essentiel. Le Parlement demeure, en effet, le lieu du débat et du contrôle, de la construction des alternances, des combats pour convaincre l’opinion. Il constitue le lieu du foisonnement des idées et leur caisse de résonance.
À chacun désormais de se saisir de ses pouvoirs : aux électeurs de décider de l’orientation de la politique nationale ; aux futurs députés de rendre l’Assemblée vivante et ouverte, en un mot moderne. »
(1) Chargée de cours en sciences politiques et droit constitutionnel à l’université Paris I. Vient de publier Manuel de survie à l’Assemblée nationale, l’art de la guérilla parlementaire, avec Jean-Jacques Urvoas, chez Odile Jacob, 256 p., 23,20 €.